D’après Israël Shamir, Tel Aviv recherche la somalisation de la Syrie
Désormais, nous relaierons régulièrement certains articles dont nous ne sommes pas les auteurs, spécialement lorsque ceux-ci contiennent des informations qui nous semblent pertinentes, et (quasiment) absentes des médias francophones. Le présent article, dont Israël Shamir est l’auteur, est paru en anglais le 30 juillet 2012 sur le site CounterPunch.
Israël conserve sa capacité à contrôler les rebelles islamistes syriens. Netanyahou n’est pas inquiet de la possible désintégration de la Syrie. Malgré l’opinion admise selon laquelle les Israéliens préfèrent un Assad stable et familier à la grande inconnue de la guérilla islamique, l’information nouvelle et sensationnelle que nous venons de recevoir souligne le contraire, à savoir que les Israéliens préfèrent la somalisation de la Syrie, son éclatement et l’élimination de son armée, car cela leur permettra de s’attaquer à l’Iran sans obstacle.
C’est ce qu’implique un dossier secret récemment divulgué par une personne(s) proche du ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman. Il contient un enregistrement des conversations entre Bibi Netanyahou, Avigdor Lieberman et le président russe Vladimir Poutine lors de la visite récente de ce dernier en Israël. Les Israéliens ne semblent pas avoir de doutes sur son authenticité. Counterpunch a reçu le fichier d’origine, et voici les faits saillants de cette conversation (dans notre traduction de l’hébreu):
Netanyahou a demandé à Poutine de faciliter le départ de Bachar Al-Assad.
« Vous pouvez désigner son successeur, et nous ne nous y opposerons pas, a déclaré le Premier ministre israélien. « Mais Il y a une condition – le successeur doit rompre avec l’Iran« .
Poutine a répondu : « nous n’avons pas de candidat pour succéder à Bachar. Et vous ? »
« Non, nous n’en avons pas, a répondu M. Netanyahou, mais nous allons vous dire notre préférence bientôt. »
Apparemment, Israël peut influer sur les rebelles, dans la mesure où il suppute qu’ils choisiraient d’accepter un successeur acceptable pour Tel-Aviv. Cela signifie que la chaîne du commandement des rebelles va bien au-delà des chefs de troupe indisciplinés sur le terrain, au-delà du Qatar et l’Arabie saoudite, au-delà de Paris et Washington, et débouche tout droit sur Israël. Il est bien connu que les rebelles cherchent l’amitié avec Israël, mais personne ne pensait qu‘Israël était en mesure de les contrôler dans une telle mesure.
Il va de soi que Netanyahou avait reçu le feu vert de Washington pour faire une telle offre. Cela signifie que pour les États-Unis et Israël, cela ne dérange pas que la Syrie reste dans la sphère d’influence russe, à condition qu’elle coupe ses liens avec l’Iran. Et c’est cela qui indique qu’Israël est la force motrice derrière les rebelles, car autrement, un tel arrangement serait inacceptable pour les Américains.
Cependant, il est possible que l’offre de Netanyahou ait été une simple ruse pour découvrir les intentions russes. En tout cas, c’est ce qu’a pensé Poutine, et il a répondu dans la même veine :
« Nous ne devons rien à Assad, » a déclaré M. Poutine. « Avant la rébellion, il était un visiteur fréquent à Paris plutôt qu’à Moscou. Nous n’avons pas de programme secret en ce qui concerne la Syrie. J’ai demandé au président Obama quelles sont les intentions des États-Unis en Syrie ; pourquoi les Américains rejettent Assad. Est-ce à cause de son incapacité à se réconcilier avec Israël ? Ou à cause de ses liens avec l’Iran ? En raison de sa position sur le Liban ? Je n’ai reçu aucune réponse sérieuse. Notre motivation, a dit Obama, c’est la répression violente d’Assad contre le peuple syrien. Je lui ai répondu que la violence est causée par le Qatar et l’Arabie, par leurs interférences. »
On comprend que Poutine est perplexe : s’il lui a été offert de garder la Syrie dans la sphère russe, pourquoi les USA s’en prennent-ils au gouvernement syrien ? Peut-être, les États-Unis relayent-ils simplement les instructions d’Israël ? Et quelles sont les intentions d’Israël ?
« L’objectif d’Israël est la somalisation de la Syrie, à la suite de la somalisation de l’Irak, » a déclaré M. Poutine, et Netanyahou n’a pas rejeté son interprétation.
Ces mots durs de Poutine répondent à la question des intentions américaines et israéliennes. Telle était la position de Yinon, stratège israélien et des néo-conservateurs : la somalisation de la région. Les dirigeants israéliens obéissent encore à leur stratégie à cout terme de déclencher la guerre civile en Syrie, en supprimant Assad, et en plongeant la Syrie dans un bourbier de groupes armés qui ne constitueraient pas un obstacle pour les avions israéliens cherchant à atteindre l’Iran. C’est un jeu risqué, comme il était risqué d’attaquer le Liban en 2006, mais Israël a un complexe militaire tellement puissant qu’il a besoin de prendre des risques, qui seraient inutiles autrement.
Le dossier de la conversation Poutine-Netanyahou contient deux importantes concessions russes envers Israël : Poutine a promis de rompre le contrat sur l’offre de systèmes S-300 de missiles anti-aériens à Damas (et il l’a fait) et d’arrêter les fuites d’informations de missiles utiles au Hezbollah.
Le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman a profité de la réunion pour se plaindre de la chaîne audacieuse Russia Today :
« Le bureau israélien de RT se répand en propagande anti-israélienne. Ils ont diffusé des entretiens avec Hassan Nasrallah [probablement une référence à l’entrevue que celui-ci a accordée à Julian Assange]. Nous avons parlé à des journalistes RT privé, mais ils ne bougeront pas, arguant en cela des instructions de Moscou. Vladimir Vladimirovitch [Poutine], s’il vous plaît, penchez-vous sur la politique éditoriale de RT de sorte qu’elle devienne objective envers d’Israël…. «
Cette plainte s’inscrit bien dans la pratique israélienne de faire pression sur les médias étrangers. Récemment, l’ambassadeur israélien à Washington a tenté d’interférer avec CBS et de censurer Bob Simon au sujet de son reportage sur les chrétiens palestiniens, causant beaucoup de ressentiment aux États-Unis. Les Israéliens ne peuvent toujours pas s’habituer à l’existence d’une presse relativement libre.
La principale conclusion des échanges qui ont fuité, c’est que les dirigeants israéliens continuent d’aimer vivre dangereusement. Alors que certains autres pays, notamment la Russie, sont à la recherche de la stabilité, les Israéliens aiment le jeu, et le jeu pour le pouvoir. Qui ne risque rien n’a rien, disent-ils. Ils sont prêts à accepter des risques à court terme pour des gains à long terme. Et l’élimination de l’armée syrienne est certainement un gain à long terme pour Israël.
Israël Shamir est correspondant de CounterPunch à Moscou
Et voici un texte peu sourcé mais facile à vérifier (pour des journalistes qui ont des moyens financiers, j’entends) :
IRIB- Un responsable qatari et proche de l’émir Al-e Thani, qui vient de demander l’asile politique, au Venezuela, affirme que Doha sait, pertinemment, que Bachar al-Assad ne sera pas renversé, mais qu’il continue à soutenir les rebelles, car c’est ce que les Etats-Unis et Israël lui ont demandé!
Selon le quotidien vénézuélien, « News press » , ce responsable a quiité le Qatar, en raison des divergences croissantes qui l’oppsaient à l’émir et à ses politiques basées sur le respect des intérêts des Etats-Unis et d’Israël. « Le Qatar a la misison de mettre à feu et à sang tous les pays arabes partisan de la Palestine et il y a, sur cette liste, la Syrie, le Liban et la Jordanie, mais, en Jordanie, les politiques Qataris ont, jusqu’à présent, échoué ». Selon ce quotidien, c’est toujours sous pression des Etats-Unis que la Turquie a implanté la plus grande base des terroristes, sur son propre sol, et qu’ils les envoie à l’assaut de la Syrie.
http://french.irib.ir/info/moyen-orient/item/201966-un-proche-de-l-%C3%A9mir-du-qatar-au-venezuela-fait-des-r%C3%A9v%C3%A9lations
Je ne comprend pas la position de Poutine. Dans une confrontation entre les deux blocs, (oui, je parle de bloc, car selon moi, nous assistons à la suite de la guerre froide. Débat?) quels sont les intérêts de la Russie de vouloir un changement de régime/de dirigeants en Syrie?
Cela ne fragiliserait-il pas la position de du bloc russo-chinois dans leur propre sphère d’influence? Et pourquoi avoir soutenu l’Iran à l’ONU si c’est pour ne pas suivre la même politique à l’égard de la Syrie?
J’ai du mal à comprendre…
Le rapport Clean Break de 1996, remis à Netanyahu par de futurs faucons neo-cons préconisait de s’en prendre d’abord à l’Irak, puis à la SYRIE, avant l’Iran.
Les faucons avaient tenté d’esquisser un lien entre la Syrie et Al Qaïda dès 2004.
Des Syriens d’une société basée en Allemagne, Tatex, auraient recruté Atta, chef de fil du 11 septembre, mais le dossier avait été classé sans suite par la justice allemande, faute d’éléments, ou par diplomatie selon les faucons Rumsfeld et Wolfowitz qui voulaient déjà réprimer plus durement la Syrie jusqu’à un « changement de régime ».
De plus, la Syrie exporte du pétrole.
Dans « Prends l’oseille et tires-toi » (août 2002) de Shamir – puisque vous le citez – il est question des pressions exercées après le 11 septembre 2001 sur l’Arabie Séoudite : pour augmenter la production de pétrole, geler les dollars saoudiens pour éviter l’effondrement dudit dollar, ou y accueillir des bases américaines pour la future guerre en Irak. Il est aussi question des désirs de certains penseurs d’obtenir directement le pétrole de l’Arabie Séoudite (David Perlemutter) et de démanteler le royaume (Max Singer), et de cette conférence tenue au Pentagone en 2002 par Murawiec, l’allié de Perle (co-auteur du rapport Clean Break), conférence qui aurait même fait tiquer Kissinger selon Labévière dans son bouquin sur le 11-9. Le Français Murawiec préconisait une action contre l’Irak (pivot stratégique – à démanteler en premier j’imagine), contre l’Arabie Séoudite dont il fallait geler les avoirs si elle continuait de financer des extrémistes (or Kissinger avait des liens d’affaires avec les Saoudiens…), et contre l’Egypte (comme prix). Ces deux derniers territoires étant l’objet de contentieux et de sentiments de revanches plus ou moins anciens de la part des sionistes, datant de l’époque de Mahomet pour ce qui est de l’Arabie. Quand on sait que le chef de fil des pirates était Egyptien et les autres séoudiens, cela donne à réfléchir sur un des éléments de l’envers du décor de ce billard aux innombrables bandes permettant de faire d’une pierre plusieurs coups stratégiques…
Rendez-vous après la guerre contre l’Iran pour étudier et suivre l’évolution de l’Egypte et de l’Arabie Séoudite…
Bonjour Jexpose,
merci pour vos informations, tout à fait pertinentes !!!
Cordialement,